# 24 - A l'ombre des jeunes palmiers-dattiers en fleurs
Jules devant son trésor : 700 kilos de dattes medjouls
Cela fait déjà près d’un mois que nous avons atterri en Israël, et nous ne t’en avons toujours rien raconté ! Ces quelques semaines ont une fois de plus été d’une intensité formidable et surtout riches en découvertes pour nous qui ne connaissions pas grand chose à la culture de ce pays qui attire pourtant toutes les attentions. Nous te devons donc de revenir sur nos débuts dans ce beau pays.
C’est plein de joie et d’espoirs que nous débarquons à Tel-Aviv, après 24 heures de voyage depuis la Mongolie. Notre plan est simple, et conforme à ce que nous faisons depuis le début : fuir la capitale le plus vite possible pour nous rendre dans une ferme de dattes avec laquelle nous avions réussi à rentrer en contact.
Malheureusement, notre arrivée ne se passe pas comme prévu. D’abord, une fatigue terrible s’empare de nous deux. Le choc avec la Mongolie est trop fort, et nous le ressentons simultanément. Le décalage horaire joue, mais ce sont surtout la température, la nourriture et même l’atmosphère d’une ville balnéaire comme Tel Aviv qui rompent trop brutalement avec ce à quoi nous nous étions habitués en Mongolie.
Sortir de la ville pour retrouver un milieu plus calme nous ferait peut-être le plus grand bien, mais Turkish Airlines ne nous laisse pas le choix : si nous voulons récupérer nos bagages il nous faudra rester à Tel Aviv … pour une durée indéterminée.
Heureusement, nous pouvons compter sur Dario, un ami de lycée de Tristan, qui nous héberge chez lui et nous permet de reprendre progressivement nos forces sans avoir en plus à chercher un toit tous les soirs. Pendant 5 jours, nous regagnons peu à peu de l’énergie puis, une fois nos bagages arrivés, nous mettons les voiles.
Notre point de chute est un moshav, sorte de communauté de vie assez courante dans les campagnes israéliennes, mais n’ayant pas une organisation socialiste comme pour les kibboutzs. Depuis les hauteurs de ce petit village d’une cinquantaine de famille, nous apercevons le désert avoisinant et la Jordanie, située à seulement quelques kilomètres de là.
Le moshav, enclave de vie au milieu du désert
Accueillis par Ran, un Israélien au sourire radieux que rien ne semble pouvoir perturber, nous découvrons avec quelques jours de retard notre futur lieu de travail. Après avoir vécu dans l’immensité désertique de la steppe mongole, nous découvrons un autre type de désert, rocailleux et d’une aridité extrême. La chaleur frôle certains jours les 50°C, et le vent n’est alors qu’une cause de souffrances supplémentaires.
17h et encore 52°C
Difficile cependant de ne pas se sentir heureux dans un lieu aussi paisible que ce Moshav, doté d’une piscine fort bienvenue et où nous retrouvons surtout 6 jeunes volontaires venus vivre la même expérience que nous. C’est avec deux Argentins, une Ecossaise, une Suisse, un Américain et une Française que nous partagerons le quotidien ici.
La tâche à laquelle nous nous consacrons est en plus nouvelle pour les Travelling Farmers : jamais nous n’avions encore eu à faire à des dattes. Peu consommé en Europe, ce fruit est néanmoins incroyablement riche en sucre et en fibre. Après presque un an à travailler dans des champs et à consommer de nouveaux fruits tous les mois, la datte remporte haut la main la palme du meilleur d’entre eux. Mieux qu’un Redbull et qu’un Kinder Bueno combinés !
Le lendemain de notre arrivée nous nous voyons attribuer un travail fastidieux mais indispensable : trier les dattes récoltées la veille. Il faut séparer les dattes sèches de celles encore fraiches, et surtout mettre à part la Rolls de la datte : la « Superfresh ». Pesant plus de 27 grammes, de couleur obscure avec des reflets jaunâtres, la Superfresh est la datte la plus recherchée et celle qui se vend le plus cher. C’est à chaque fois avec des étoiles dans les yeux qu’Eyal - qui s’occupe avec Ran d’une des exploitations de dattes du Moshav - nous parle de « ses » Superfresh. Il nous explique même que c’est parce qu’il mange tous les matins deux d’entre elles que jamais il ne tombe malade. En musique et dans la bonne humeur, nous travaillons ainsi de 6 heures du matin à 13 heures, accompagnés d’un des nombreux Thaïlandais venus trouver du travail ici pour pouvoir jouir d’un salaire attractif et en envoyer une grande partie à leur famille restée en Thaïlande. Au moindre coup de fatigue, nous croquons dans ce fruit divin et sentons bien vite notre énergie reparaître.
Les jours suivants, nous nous confrontons aussi à l’autre activité principale : la cueillette des dattes.
Notre première surprise vient de l’emplacement du champ de dattiers où nous travaillons. En effet, ceux-ci sont situés dans le « no man’s land » entre Israël et la Jordanie – entre les frontières respectives des deux pays. C’est donc entre les barbelés électrifiés - que nous franchissons tous les matins - que sont majestueusement alignées des rangées de palmiers-dattiers. Malgré le contexte, ces magnifiques plantations dans la lumière de l’aurore nous font penser à une vision orientale du paradis.
Le travail terminé, Tristan ne ferme pas la porte de son bureau, mais la grille de la frontière !
Les rangées de dattiers, apparition miraculeuse au milieu du désert
Chaque dattier porte une dizaine de grosses grappes de dattes, chacune étant enveloppée dans un filet protégeant les fruits des oiseaux qui ne s’y tromperaient sinon pas. Dans chacun de ces filets l’on peut recueillir près d’une centaine de dattes, pesant chacune entre 10 et 50 grammes. Les récoltes sont donc massives, autour de 50 kilos par arbre et le travail se doit d’être consciencieux.
Les volontaires sont chaque matin séparés en deux groupes. Certains se déplacent à pied et effectuent leur récolte sur les plus jeunes dattiers, facilement accessibles. Les autres passent la matinée dans les airs, surélevés par un puissant chariot-élévateur conduit d’arbre en arbre par Eyal.
Tristan et Juan, un volontaire argentin posent sur leur outil de travail de la matinée
Tristan travaille à l'ombre des palmiers-dattiers en fleurs
Les dattes récoltées dans les filets sont délicatement rassemblées dans les cagettes noires visibles à gauche
Changer une roue de Twingo paraît facile vu d'ici
Au terme de la matinée de travail, les fruits récoltés dans des cagettes sont montés jusqu’à l’atelier où ils sont entreposés sur des palettes, avant d’être triés puis stockés dans une immense chambre froide.
Nos hôtes ne s’occupent pas eux-mêmes de la vente aux particuliers par la suite : un camion passe une fois par semaine pour récupérer le résultat de nos récoltes. C’est presque la larme à l’œil qu’Eyal regarde alors partir ses palettes de Superfresh vers d’autres horizons.
Nous nous sentons extrêmement bien dans ce Moshav : le travail nous plait énormément, le cadre est magnifique et l’ambiance est très plaisante. Mais il nous faut pourtant le quitter temporairement : Théophile et Thibault, deux de nos amis les plus chers, doivent nous retrouver pour une dizaine de jours en Israël. Cela fait en effet 7 mois que nous avons quitté notre terre natale, et si nous revêtons toujours avec plaisir nos habits de fermiers, il est indéniable que rien ne nous manque plus que la présence de nos proches. C’est donc avec une joie immense que nous accueillons ces deux camarades à Tel Aviv.
Commence alors une période superbe, les retrouvailles se passant à merveille et notre programme étant des plus alléchants. Ensemble, nous découvrons la splendeur de Jérusalem, la ville trois fois sainte. Nos convictions religieuses ne sont pas les mêmes, et peu importe : impossible de ne pas être séduits par la fascinante énergie qui se dégage de cette ville. Nous découvrons la vieille ville, le Saint Sépulcre, le Mur des Lamentations et la Grande Mosquée, et montons jusqu’en haut du Mont des Oliviers pour admirer Jérusalem dans sa totalité.
Une belle équipe devant une très belle ville
La même photo sans nous pour que vous puissiez quand même voir la vue.
Nous partons ensuite à la découverte du reste du pays. Malgré la tempête de sable qui s’abat au même moment sur le Moyen Orient, nous avons l’occasion d’admirer le Plateau du Golan et de parcourir le désert du Néguev, en passant bien sûr par la Mer Morte.
Tristan, Théo et Jules ne le savent pas, mais ils s'apprêtent à boire le meilleur thé de leur vie à Béthléem
Enfin, pour ne pas limiter notre aperçu du Moyen-Orient à Israël, nous décidons de nous rendre pour quelques jours en Jordanie. La rupture est immense, et nous sommes immédiatement fascinés par la culture de ce pays arabe, le premier que nous traversons depuis le début de notre aventure. C’est à Petra que nous nous rendons, site connu pour ses splendeurs architecturales datant d’il y a plus de deux mille ans.
Thibault et Tristan s'apprêtant à ajouter un nouveau tampon sur leur passeport
De gauche à droite: un demi chameau, un chameau, Jules, Thibault et Tristan devant le Trésor de Petra
"Le monastère", monument emblématique de Petra
Mais, désireux de rester à l’écart des sentiers balisés, nous trouvons le moyen de loger dans un village Bédouin. Zeinab, notre hôte, nous présente vite à tous ses proches, et nous parle longuement de la situation politique et géopolitique de la Jordanie. Nous apprenons donc beaucoup, et nous réjouissons de constater que la cuisine bédouine est l’une des plus savoureuses que nous avons eu l’occasion de goûter depuis le début.
Sur le site de Petra, nous nous voyons fréquemment interpellés par des bédouins du village qui nous reconnaissent et se présentent comme cousins de Zeinab ou de son mari Ali - qui nous confiera avoir 1500 cousins - et nous invitent à partager un thé avec eux.
Un thé avec ... les cousins d'Ali.
Par ailleurs nous nous sommes constitué une playlist de musique arabe dont nous ne sommes pas peu fiers pendant cette excursion en Jordanie, n’hésite pas à nous la demander par mail !
Bref, c’est avec de superbes souvenirs en mémoire que nous nous séparons de nos deux amis. Il nous reste alors encore un mois entier à passer dans ce pays : Israël est la plus longue de toutes nos étapes. Nous n’hésitons pas un instant sur la suite de nos aventures et retournons sans perdre une heure au moshav qui nous avait tant plu.
Nous retrouvons donc le quotidien que nous y avions découvert : lever à 5h40 pour avaler un petit-déjeuner en vitesse, puis départ pour les champs où nous travaillons toute la matinée. Ensuite, c’est repas, repos, lecture et écriture.
Certains jours, des garçons de 18 ans entre le lycée et leur service militaire, viennent donner un coup de main pour le triage des dattes. On voit rapidement à leur envie toute relative de travailler qu’ils sont envoyés ici par leur université qui veut les confronter au travail manuel. Drôle de situation mais qui nous permet néanmoins de discuter avec eux et d’en apprendre sur leur perception des problèmes politiques de la région.
Nous te souhaitons une belle rentrée des classes si tu es encore à l’école, ou une bonne reprise si tu n’y es plus,
A dimanche prochain,