#15 - L'Alaska, ses saumons et ses grizzlies
Avant de retrouver une activité fermière plus routinière en Nouvelle Zélande fin juin, nous avons cette semaine continué notre aventure en Alaska et sommes finalement parvenus à notre objectif : le port de pêche de Homer, à 400 kilomètres au Sud de Anchorage, dans laquelle nous commencerons à travailler sur les docks dès lundi. Et quelle aventure encore une fois ! Cette semaine, nous avons fait plus de 2000 kilomètres de stop et avons passé 7 nuits dans 6 lieux différents, dont un canapé dans une cabane au fin fond du Canada, le sol d’un camping-car et une tente au bord de la mer.
Reprenons donc où nous t’avons laissé : dans la petite ville de Whitehorse au nord ouest du Canada
Après deux jours en présence de Danièle, notre grand-mère adoptive, nous cherchons désespéramment à nous rendre en Alaska.
Avec Danièle
Après une première tentative vaine de stop, nous nous renseignons sur les autres moyens à notre disposition pour rejoindre Anchorage. Nous pensons pouvoir facilement accéder à un bus ou à un ferry ou prendre un rapide vol jusqu’à là-bas. Mais nous déchantons vite. Le Yukon est une région très peu reliée aux territoires qui l’entourent, hors de la saison touristique l’été. Aucun moyen de nous rendre à destination, donc, hormis un avion coûtant une fortune et repassant par Vancouver. Même à l’office du tourisme on nous conseille de faire les 1 500km restant en stop !
"Le stop c'est du marketing"
Nous décidons donc de persévérer, et retournons au bord de la route, le pouce en l’air. Là encore la tentative est peu concluante, mais, alors que la fin de la journée approche et que nous commençons à nous demander où nous allons dormir, la chance nous sourit. Coralie attirée par notre pancarte s’arrête en effet à notre niveau et, à défaut de nous mener vers Anchorage, nous propose de nous donner refuge pour la nuit. La solidarité française joue certes, mais Coralie est habituée à aider ceux qui en ont besoin ponctuellement. « J’aurais aimé qu’on fasse pareil à votre place » nous explique-t-elle.
Heureux d’avoir trouvé foyer, nous dégustons avec Coralie et Bastien un barbecue composé de viande de caribou et de bison, chassés par leurs soins l’an passé. Ces deux jeunes français, ingénieurs agronomes, sont partis vivre leur rêve et s’exiler au Nord du Canada il y a de cela 4 ans. Ils vivent en grande partie de la chasse et de la pêche, qu’ils pratiquent dans la région. Dans une belle cabane, complètement isolés, ils vivent avec bonheur ce mode de vie difficile mais parfaitement adapté à leurs envies.
Bastien cuisine du caribou et du bison
Le lendemain matin, Coralie nous dépose au bord de la route, et nous sommes bien décidés à nous faire finalement prendre en stop pour poursuivre notre chemin. Rapidement, nous sommes pris pour 1 heure 30 de route jusqu’au lieu-dit Haines Junction. Là, nous voyons au loin un vieux camping-car et décidons de l’interpeller, au cas où le hasard serait de notre côté. Notre chance est fabuleuse : Eric, 39 ans, est justement en route pour Anchorage. Commencent alors deux jours et 1500 kilomètres aux côtés d’Eric, dans son véhicule menaçant de s’écrouler à tout moment.
Avec Eric!
La route que nous parcourons est absolument incroyable. Le long de lacs dont la couleur bleue turquoise étonne, nous voguons entre d’immenses montagnes. Il est rare de croiser d’autres voitures, aussi pouvons nous nous arrêter quand bon nous semble, et rouler à une vitesse minimale pour contempler ce qui nous entoure.
Les êtres vivants que nous croisons sont d’ailleurs majoritairement des animaux sauvages. Nous voyons de loin un coyote d’abord, puis un ours noir, avant de passer à côté d’un grizzli à qui notre présence ne fait pas peur. Nous prenons le temps d’observer cette bête colossale et nous émouvons de cette nature saisissante. Par la suite, nous croiserons également des élans, des caribous et de nombreux autres ours noirs.
Le grizzlie !
Eric prend soin de son camping-car, sachant qu’à tout moment il pourrait rendre l’âme, et, quand un bruit lui parvient, il s’arrête immédiatement. Nous passons ainsi plus de 3 heures sur le bord de la route à démonter puis à remonter une roue et ses freins, à la suite d’un bruit assourdissant qu’aurait entendu Eric.
Arrêt au stand
Cette étape nous permet de perfectionner notre connaissance de la mécanique, qui peut-être nous aurait été utile il y a quelques semaines… Constatant qu’il n’y avait en fait aucun problème, nous reprenons la route et traversons la frontière américaine sans encombre. Nous sommes en Alaska !
Il est tard (23h30) et même si la lumière du jour permettrait encore de conduire, nous nous arrêtons sur une aire de repos, seuls au monde. Le camping-car étant quelque peu en désordre, il n’y a pas plus d’une place sur les couchettes, et nous partageons le sol du véhicule, qui s’avère plus confortable que prévu.
Au réveil nous reprenons notre route, nous dirigeant doucement mais sûrement vers notre objectif. Les paysages sont égaux à ce qu’ils étaient dans le Yukon: merveilleux. L’Alaska est aussi beau que l’on peut l’imaginer. Voire plus.
Ne pouvant pas dépasser les 90 km/h, il nous faut de nombreuses heures de route avant d’arriver finalement, vers 22h, à Anchorage. Qu’il est étrange de retrouver des routes à plusieurs voies, des feus tricolores et des embouteillages, alors que nous étions perdus dans la nature la plus totale. Nous sentons vite une certaine absurdité à nous rendre en Alaska et vivre dans cette ville, semblable à tant d’autres.
Après avoir chaleureusement remercié Eric, que nous espérons revoir, nous montons à bord du véhicule de Matt, qui nous accueille via le site Couchsurfing. Vite, il nous fait comprendre pourquoi tant de gens migrent vers Anchorage : « Nulle part au monde il est aussi facile de gagner de l’argent» nous explique-t-il. Matt, de même que ses 2 colocataires, Sonia et Jenny, cumule trois métiers en même temps, et travaille près de 70 heures par semaine pour bien gagner sa vie. Quand on les interroge sur la dureté d’un tel mode de vie, tous nous répondent qu’il leur faut travailler dur pour rembourser les emprunts contractés pour l’université ou pour des opérations médicales. Nous comprenons que l’American Dream peut se traduire en véritable cauchemar pour certains.
Généreusement, donc, Matt nous permet de ne pas nous préoccuper de trouver un toit pour les deux nuits suivantes. Nous pouvons dès lors réfléchir à la suite de nos aventures. Nous passons le lendemain à arpenter les rues d’Anchorage, cherchant désespérément un port où nous pourrions trouver du travail. Mais il n’y a rien de tel dans cette ville.
Nous décidons donc de quitter la ville dès le lendemain et partir plus au Sud dans une des villes portuaires de la péninsule de Kenaï. Sans le moindre contact ni la moindre idée de ce qui allait nous attendre, nous reprenons la route le lendemain.
Un premier voyageur nous emmène vite un peu plus au Sud, et nous dépose au bord de la route, au milieu de nulle part, sous une pluie battante. Les 20 minutes qui suivent sont assez mouvementées et nous sommes heureux de voir finalement s’arrêter Stacie. Nous avions prévu d’aller à Seward, ville la plus proche, mais elle va à Homer, et nous décidons de l’y suivre. Stacie y reste 1 mois avant de se rendre pour 3 mois sur une île déserte au Sud de l’Alaska, en simple compagnie de deux autres chercheurs. Ils travailleront sur une mission d’étude des oiseaux de l’île financée par le gouvernement.
Coucher de soleil sur Homer
Une fois à Homer nous laissons nos sacs dans la voiture de Stacie et partons à la conquête de la ville avec un simple objectif : trouver où passer la nuit. C’est après quelques heures de recherche que nous rencontrons enfin une aide précieuse. La propriétaire d’un site de camping-cars accepte de nous prêter une tente et des duvets, et de nous donner un emplacement pour la nuit. Nous voilà donc dans une petite tente donnant directement sur la plage et faisant front à d’immenses montagnes enneigées. Emus encore une fois de la chance que nous avons, nous admirons le coucher de soleil depuis la plage, grignotant les quelques victuailles à notre disposition.
Il nous faut nous coucher de bonne heure car nous prévoyons de nous lever aux aurores le lendemain pour être au plus tôt sur la jetée où se trouvent toutes les activités maritimes de la ville.
Nous ne perdons en effet pas de vue la question que nous nous sommes posés au début de ce voyage « D’où vient la nourriture que nous consommons tous les jours ? ». Certes les deux dernières semaines ont été plus aventureuses que prévu, en raison de la perte de notre voiture, mais nous avons toujours pour priorité, ici en Alaska, de voir de près d’où viennent les poissons qui seront par la suite consommés dans le monde entier.
Le lendemain en effet, samedi, après deux longues heures de marche (vivre sans véhicule aux Etats-Unis n’est pas chose aisée), nous arrivons près des docks de Homer. Les quelques contacts que nous avons nous laissent entrevoir des signes positifs : en revenant lundi matin, nous avons de bonnes chances de nous voir donner du travail au contact des poissons, sur un bateau ou sur les docks.
Satisfaits et impatients de revenir, nous retournons au centre ville où nous attend Karen, avec qui nous sommes également rentrés en contact via Couchsurfing. Karen a 70 ans et vit seule dans une maison un peu excentrée de la ville de Homer. Sans eau chaude, ni internet, elle nous offre tout de même un lit confortable chacun, le premier dont nous disposons depuis Seattle !
Dans l’après-midi, nous rendons visite à ses voisins qui nous montrent tour à tour leurs plantations. L’un nous propose même de travailler pour lui. Mais notre priorité est ailleurs : si nous sommes venus jusqu’en Alaska c’est, outre pour ses paysages fabuleux, dans le but de découvrir l’industrie du saumon ou de la pêche en général. Nous nous reposons donc patiemment avant de nous lancer dans de nouvelles aventures la semaine prochaine, espérant cette fois-ci rester sédentaires.
Tu seras bien sûr tenu au courant. D’ici là, nous te souhaitons une belle semaine
A dimanche prochain !