#9 - Le Mexique dans la peau
- Tanguy Joannot
- 22 mars 2015
- 6 min de lecture

Si tu veux savoir ce que les Travelling Farmers font dans cette tenue lis cet article !
Il est déjà l’heure de quitter notre famille mexicaine à laquelle nous nous sommes vraiment attachés pendant ce mois à Culiacan. C’est donc avec un brin de tristesse que nous allons nous envoler lundi pour les Etats-Unis, et une aventure de 2 mois qui s’annonce mouvementée !
Cette semaine, nous avons beaucoup appris sur le maïs grâce à deux frères, Jorge et Rodolfo, et nous avons visité un des sites de production de Sukarne, un des géants mondiaux de la production de viande. Nous avons également partagé notre expérience avec les étudiants de l’université Technologia de Monterrey où nous avons été invités à raconter notre aventure.

Rodolfo, Jorge et Jules
Nous avons passé une journée avec Jorge et Rodolfo dans leur magnifique exploitation de maïs située non loin de Culiacan. Après nous avoir offert un petit-déjeuner typique de la région dans leur magnifique hacienda, ils nous ont expliqué les différences entre les variétés de maïs qui poussent au Mexique – pays dont cette céréale aujourd’hui mondiale est originaire. Grâce à un travail de plusieurs générations, leur famille a mis en valeur les 300 hectares de cultures qu’ils possèdent par un système étendu mais simple d’irrigation. Leurs terres sont parcourues par de grands canaux – dans lesquels se prélassent parfois des caïmans de 2 mètres – qui alimentent tous leurs champs en eau. Nivelés grâce à des systèmes GPS, les champs bénéficient d’une inclinaison invisible à l’œil nu, mais qui permet à l’eau de ces canaux d’irriguer toute leur surface. Imagine du maïs qui pousserait les pieds dans l’eau à la manière du riz en Asie !


Après avoir découvert la culture des légumes et du maïs, il ne nous manquait qu’une chose pour compléter ce panorama de la production de nourriture du Sinaloa : l’élevage. Grâce à un contact de Carlos, nous avons pu visiter un des six lieux de production de Sukarne, producteur de viande d’envergure mondiale. La visite à laquelle nous avons eu droit samedi matin a été la plus impressionnante de ce mois à Culiacan !

Carlos Sr et Tristan à l'entrée du site Sukarne
En nous approchant du site de production Sukarne, nous réalisons que la zone d’influence de l’entreprise ne se restreint pas seulement à son usine : elle s’étend bien au-delà. Dans le village le plus proche d’abord, où vit presque l’intégralité des travailleurs, et où les abribus portent même le logo Sukarne. Mais ce n’est pas tout: dans toute la région, on trouve de nombreux centres médicaux subventionnés par l’entreprise. Bref, ici au Mexique, les entreprises comme Sukarne « œuvrent bien plus que l’Etat pour le développement du Sinaloa » selon Carlos Sr.
Nous commençons à avoir l’habitude des contrôles de sécurité pour pénétrer dans ces entreprises agricoles géantes du Sinaloa, et nous nous soumettons avec le sourire aux contrôles d’identité à l’entrée de l’usine. Une fois à l’intérieur, nous sommes accueillis par Raul Carillo, haut responsable au sein de l’entreprise. Son éloquence nous impressionne et nous sommes tout étonnés de recevoir un accueil d’une telle qualité. Nous découvrons plus en détails une entreprise peu connue chez nous mais qui abat plus d’un million de bovins par an qui sont ensuite exportés vers tous les grands marchés : USA, Chine, Japon…

Le site que nous visitons rassemble 80 000 têtes de bétail. Achetées très jeunes à une multitude de producteurs de tout le pays, elles sont engraissées de 3 à 29 mois avant d’être abattues, découpées et emballées au sein d’une « usine » intégrée au site.
Nous visitons d’abord le lieu où est préparée l’alimentation des animaux. L’ensemble du processus est automatisé et d’immenses installations industrielles permettent de produire les 750 tonnes de nourriture consommées chaque jour par le cheptel. Le mélange de base est constitué de maïs, de fourrage et de mélasse de canne sucrière, auxquels sont rajoutés calcium, sel et autres au cas par cas. En effet, chaque parc rassemblant une centaine d’animaux aux mêmes caractéristiques reçoit un mélange « sur mesure » en fonction de l’âge et de la taille des bêtes. Une fois le mélange fait, ce sont d’immenses camions-bennes qui distribuent la nourriture au bétail.
Ensuite, nous pénétrons dans l’ « usine » où sont abattues puis découpés les vaches. Encore une fois la sécurité est impressionnante : nous devons même nous soumettre à une mini « visite médicale » pour pouvoir rentrer. Une fois équipés pour éviter toute contamination des carcasses et pour résister au froid de l’usine, nous passons plusieurs sas de décontamination avant d’enfin découvrir le dernier parcours d’une vache, de l’abattoir jusqu’à la « barquette ». Plus de mille personnes travaillent dans cette usine, un croc de boucher dans une main et un grand couteau dans l’autre. Une fois abattues, les vaches sont écorchées et leurs pattes sont sectionnées au niveau du genou. Les carcasses sont ensuite lavées et coupées en deux dans le sens de la longueur puis évidées. Ces demies carcasses sont ensuite suspendues à des crocs de bouchers montés sur des rails en hauteur et rentrent dans un parcours semblable à une chaîne industrielle. Chaque boucher a une tâche précise à réaliser et les différentes parties de la carcasse sont méthodiquement séparées, emballées afin d’être ensuite exportées. Le nombre de mesures d’hygiène et de contrôles de qualité est impressionnant et l’usine ressemble plus à un hôpital moderne qu’à l’idée qu’on se fait d’un abattoir !

Equippés pour la visite
Malheureusement, il était interdit de prendre des photos sur l’ensemble du site, et nous n’avons que celle-ci comme souvenir !
Sur un autre plan, nous avons consacré une grande partie de notre semaine à rencontrer les étudiants de Culiacan et à leur faire part de notre expérience tout en apprenant de la leur.
Mercredi, nous étions invités à l’université Technologia de Monterrey pour parler de notre aventure et des enseignements que nous en tirons jusque là. Devant une quarantaine de personnes, nous avons longuement parlé des motivations qui nous ont poussées à partir, de l’organisation concrète d’un tel voyage et des premières anecdotes marquantes de cette aventure.


La présentation, faite dans un mélange d’espagnol et d’anglais, a semble-t-il été bien reçue. Certains étudiants sont venus nous parler à la fin, et nous avons pu échanger avec eux.
Parmi eux, beaucoup nous ont raconté un quotidien semblable: lever 6h, cours de 7h à 13h, retour à la maison pour le déjeuner, 1 à 2 heures de sport (à la salle de sport pour la plupart d’entre eux) et 2 à 3 heures de devoir dans l’après midi avant de dîner et de se coucher.
Pourtant, l’envie de partir à l’aventure comme nous l’avons fait ne leur semble pas toujours adaptée à leur situation pour une raison à laquelle nous ne nous attendions pas : la famille. Habitués à passer beaucoup de temps et toutes leurs vacances avec leurs proches, ils n’ont pour la plupart jamais goûté aux vacances aventureuses entre amis et n’en ressentent pas toujours le besoin. Sauf, bien sûr, quelques uns d’entre eux qui envisagent déjà leur prochain voyage pour une destination lointaine, souvent en Europe.

Cette présentation a également été appréciée par les professeurs de français de l’université. Nous avons ainsi été invités à intervenir dans leur classe le surlendemain pour parler au plus grand nombre possible et dans notre langue maternelle de ce projet. Vendredi, donc, nous nous sommes rendus de nouveau à l’université. Dans trois classes différentes, nous avons longuement partagé avec les étudiants, tant sur notre aventure que sur ce qu’ils avaient appris de la France, et la façon dont ils la voyaient depuis le Mexique.
Parler de notre projet n’est pas le but premier de notre voyage, mais l’opportunité se présentant, il nous a semblé intéressant d’échanger avec ces jeunes de notre âge sur la conception des voyages et du futur qui nous attend.
Notre dernière semaine dans le Sinaloa a donc été riche en nouveaux enseignements, mais nous a également laissé du temps pour mieux apprécier le rythme de vie mexicain. S’il y a d’ailleurs une chose que nous retiendrons de notre passage au Mexique, c’est le calme et la tranquillité qui se dégage de la population locale. Les journées ne sont pas toujours remplies ici, les activités ne s’enchaînent pas toujours avec une efficacité maximale, mais tout est fait dans une sérénité absolue. Les Mexicains ont le temps.
Cela fait partie de ce que nous recherchons à travers ce voyage. Loin de la frénésie de notre vie à Paris, nous nous rendons compte de l’absurdité de courir en permanence à droite et à gauche. A quoi bon faire toujours plus si cela implique d’en profiter moins ? Ici, nous avons appris à être présents là où nous sommes, sans penser à autre chose, sans avoir la tête ailleurs. L’énergie que nous mettons dans ce que nous faisons, nous essayons de la concentrer intégralement dans le moment que nous vivons. Et à ces moments d’activités succèdent des moments vides, sans rien de prévu. Jamais nous n’avons le temps de nous ennuyer en France, ici nous acceptons de rester parfois inactifs, et nous apprenons petit à petit à profiter également de ces moments.
Voilà donc la fin de notre long séjour à Culiacan. Là encore, nous avons appris que les clichés s’avèrent souvent trompeurs. Certes le narcotrafic existe dans cette région, mais pas un seul instant nous ne nous sommes sentis inquiétés. Les mexicains sont incroyablement drôles, et le mois que nous avons passé ici a été très riche ! C’est avec de beaux souvenirs en tête que nous nous dirigeons vers les Etats-Unis désormais.
Nous te souhaitons de passer une belle semaine,
A dimanche prochain !