#7 - Des tacos et des tomates
Cette semaine, nous avons beaucoup appris, et nous avons bien des choses à te raconter.
Les tomates et la culture mexicaine n’ont presque plus de secrets pour nous !
Vivre une semaine dans une famille d’un pays qui nous est inconnu est une expérience tout à fait étonnante. Il faut du temps pour remarquer les différences qui existent entre notre vieille Europe et ce pays en pleine émergence qu’est le Mexique.
A première vue, en effet, le mode de vie ici à l’air relativement similaire au nôtre. Des iPhone 6, des blockbusters américains et de grands malls où retrouver ses amis : en surface, la vie d’un urbain au Mexique ressemble à celle qu’il trouverait en Europe ou aux Etats-Unis.
Pourtant, la vie et la culture ne sont pas les mêmes ici. Le rapport à la famille est particulièrement intéressant : pour eux, rien ne passe avant. La visite des grands-parents ne se fait pas une fois par semaine ou par mois : c’est presque tout les jours que les enfants leur rendent visite. La réunion familiale avec cousins, oncles et tantes n’est pas réservée pour Noël : c’est chaque semaine qu’ils se réunissent tous.
Plus intéressant encore, la façon dont les jeunes abordent leur vie future. Le désir d’émancipation et de prendre son envol à l’âge adulte que beaucoup d’entre nous partageons ne semble pas aussi répandu ici. Certes, de plus en plus, les jeunes envisagent leur destin par eux-mêmes, et étudient ce que bon leur semble.
Mais il demeure indéniablement un certain traditionalisme, tel qu’il existait en France il y a quelques dizaines d’années. Pour les garçons, la solution de reprendre le métier de leur père reste prédominante. Pour les filles, encore un grand nombre ne peut envisager son avenir de manière tout à fait indépendante de celui de leur futur mari.
Mais s’il ne faut retenir qu’un seul élément de cette culture, c’est à quel point les Mexicains sont accueillants et bienveillants envers autrui (et en l’occurrence envers des étrangers). Nous nous sommes sentis intégrés et appréciés dès la première seconde dans cette famille dont nous ne connaissions que le fils avant d’arriver. Nous vivons avec eux avec un naturel absolu, et nous nous entendons merveilleusement bien. Carlos Sr nous a même présentés à son groupe d’amis surnommé « Los Gordos » (Les Gros) qui se réunit tous les jours pour déguster un petit-déjeuner qui n’a de petit que le nom dans un des restaurants de Culiacan. Ils organisent tout cela via leur conversation commune portant le joli nom « Bifteck ».
Les Gordos avec deux intrus
Il existe par ailleurs un point commun surprenant avec la culture française qui n’est pas pour nous déplaire : le second degré. « La vie est faite pour rire » nous explique Carlos Sr, et ils ne le font pas à moitié. L’ambiance est joviale et l’humour ironique des Mexicains nous rappelle celui auquel nous sommes habitués en France.
Ainsi, nous avons passé une belle première semaine ici à Culiacan. Nous sommes partis depuis 43 jours et nous sommes tous les deux heureux d’avoir fait ce choix de partir et de découvrir ce que nous ne connaissions pas.
Vivre ainsi à deux, face à la multitude d’aventures différentes qui s’offrent à nous, est une expérience très enrichissante. Il existe notamment un point qui nous intéresse particulièrement : nos différences d’humeur. Nous avons tous les deux les mêmes objectifs lors de ce voyage, et c’est exactement le même monde extérieur qui s’offre à nous deux tous les jours. Pourtant, il arrive que l’un de nous deux profite moins de sa journée, que quelque chose le dérange et l’empêche de se réjouir des événements, tandis que l’autre les savoure paisiblement.
En général, il est facile d’accuser l’extérieur, les circonstances, d’être responsables de sa mauvaise journée. Mais ici nous comprenons bien que ce n’est qu’un mensonge protecteur : la coloration que nous donnons à notre journée dépend de ce qu’il y a à l’intérieur de nous, et non à l’extérieur. C’est du moins ce que nous comprenons au fil de nos lectures et de nos discussions.
Pour parler agriculture, cette semaine a donc été surtout placée sous le signe de la tomate! Comme on vous le disait dimanche dernier, le Sinaloa est l’état le plus agricole du Mexique, et la tomate est la production emblématique de la région.
La fierté se lit jusque sur les plaques d'immatriculation
En visitant plusieurs exploitations cette semaine, on a maintenant une vision complète de la filière du producteur mexicain jusqu’au consommateur américain qui glisse une tranche tomate dans son hamburger devant le superbowl. Et c’est vraiment impressionnant !
Comme nous vous le disions dimanche dernier, nous avons passé le début de la semaine dans l’une des 52 immenses exploitations de la région. Sur le site que nous avons visité, 300 hectares sont consacrés à la tomate - majoritairement sous serre. On a souvent une vision bucolique de l’agriculture, mais ici, pas de pâquerettes dans les champs ni de vaches tranquilles. D’immenses allées monotones de terres-battues séparent les différentes serres, sous lesquelles travaillent des travailleurs migrants issus des régions pauvres du Mexique (Veracruz et Guerrero principalement). Au début de chaque saison de travail, et en cas de manque de main d’œuvre, les exploitants envoient de vieux bus scolaires américains dans ces régions pour remonter les volontaires qui s’engagent pour travailler six mois sur l’exploitation, qui est équipée de logements et d’une école afin d'occuper les enfants trop jeunes pour travailler.
Afin d’encadrer ces centaines de travailleurs, l’exploitation est parcourue en permanence par des contremaîtres circulant en 4X4 dans les allées, chapeau de sheriff sur la tête et talkie-walkie à la ceinture.
A l'extérieur des serres
Sous les serres
Les tomates, plantées dès septembre, pourront être récoltées 5 mois de suite.
La technologie déployée dans cette exploitation est impressionnante. Entre les serres, les stations de préparation de « solutions de nutrition » (de fertilisants) ressemblent à de petites stations services reliées au serre par d’immenses tuyaux. Des avions survolent également les serres quand de la pluie est annoncée, afin d’épandre des produits empêchant l’eau de pénétrer. Bref, tout est mis au service de la productivité, mais la question de la neutralité de tous ces produits pour le consommateur final n’est pas abordée spontanément par nos interlocuteurs.
L’ingéniosité pour maximiser les rendements est également impressionnante. Chaque parcelle est par exemple divisée en sept, de façon à ce qu’en récoltant chaque jour les tomates d’une des sous-parcelles, on ne laisse jamais un endroit plus d’une semaine sans être récolté. Les tomates sont cueillies vertes, et finiront de murir dans l’intervalle de temps qui les mènera à la commercialisation, quelques jours plus tard.
Des tomates prêtes à être cueillies
Chaque travailleur effectue une tâche et une seule, et les cueilleurs travaillent à une vitesse impressionnante. Payés au poids, ils courent entre les rangées de tomate sous une chaleur rendue plus forte par la serre qui empêche l’air de circuler. Leur travail étant difficile, ce sont aussi ceux qui sont le mieux payé, autour de 2€ de l’heure. D’autres travailleurs inspectent la qualité de la cueillette et vident les seaux dans des caisses, qui sont directement empilés sur des camions. Dès qu’un de ces camions est plein, il part pour une plateforme de triage située à quelques kilomètres des serres.
C’est jeudi que nous avons eu l’opportunité de travailler dans une de ces plateformes de triage, grands hangars qui abritent une chaîne où rentre des tonnes de tomates, et sortent des caisses de tomates triées et lustrées, parées à déferler sur les Etats-Unis.
Oui, les tomates que tu manges sont passées par une chaîne comme celle-là!
Jesus Fernando, responsable de l’usine nous a rapidement expliqué les différentes activités de la chaîne. Les tomates sont d’abord nettoyées, puis triées par des ouvriers (agricoles ?) par niveau de qualité.
Les tomates de qualité 1 seront exportées vers les USA, celles de qualité 2 seront écoulées sur le marché national et celles de qualité 3 serviront à confectionner sauces, plats cuisinés voire de la nourriture pour animaux.
Comme nous l’explique Jesus Fernando, « le gringo est exigeant », et nous en auront conscience en travaillant quelques heures à détecter le moindre défaut sur des centaines de tomates qui défilent sur la chaîne. En moins d’une seconde il faut voir si la couleur et la taille et la consistance de la tomate correspondent aux exigences américains.
Jules - en gris - essaye de suivre la cadence
Les tomates de qualité 1 partent dans la journée en camion vers les Etats-Unis et se retrouvent en magasin ou dans le circuit de restauration américain en moins de 2 à 3 jours après leur cueillette, et ce dans des quantités vraiment impressionnantes.
Voilà pour notre plongée dans l’univers de la tomate. La prochaine fois que vous en mangerez une, ayez conscience qu’elle n’est pas arrivée là par magie, mais qu’elle vient certainement de loin !
Passez une bonne semaine, et à dimanche prochain pour de nouvelles aventures !