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#3 - Moins et mieux, notre première véritable semaine à la ferme

  • Photo du rédacteur: Tanguy Joannot
    Tanguy Joannot
  • 8 févr. 2015
  • 6 min de lecture

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Jules, Ole, Tristan, Uta et Fred


Après une première semaine de voyage assez itinérante, cette deuxième semaine a été pour nous la première véritable semaine de travail et de vie à la ferme. Remplis de la saine fatigue qui conclut les longues journées passées à travailler en plein air, nous nous sommes endormis tôt et heureux tous les jours de la semaine. L’humeur est au beau fixe et nous commençons de la meilleure des manières notre découverte du monde agricole.


Et pourtant, rien d’extraordinaire dans notre quotidien: pas de soirées, pas d’internet (sauf le dimanche), pas de films, pas de musique, pas de sorties, pas d’infos en continue, pas de téléphone, bref pas de divertissements. Pas de consommation non plus : cela fait une semaine que nous n’avons pas dépensé d’argent. Ce relatif détachement nous aide à vivre avec plus d’intensité notre travail et les moments simples que nous partageons avec la famille qui nous accueille.


En quelques mots, où avons-nous atterri? Wwoofing est un site qui permet de mettre en relation des exploitants agricoles (souvent de taille modeste) qui ont besoin de main d’œuvre avec des particuliers souhaitant aider aux champs en échange d’un lit et de trois repas par jour. C’est par ce site que nous sommes rentrés en contact avec Fred et Uta, un couple d’allemands qui se sont installés à Estación Atlantida dans l’Est de l’Uruguay il y a 6 ans. Leur quotidien : développer leur projet de permaculture avec l’aide de leurs enfants – seul Ole, 13 ans, habite aujourd’hui encore avec eux - et de volontaires motivés. En plus de nous deux, Ian et Sydney, un couple d’américains de Seattle qui ont notre âge travaillent dans la ferme depuis 4 mois.

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La ferme vue depuis le début des champs d'arbres fruitiers

La permaculture, qui est l’idée centrale de cette première exploitation, se fonde sur l’idée de complémentarité des cultures, et vise à planter sur la même parcelle différentes espèces afin de faire naître un écosystème viable à petite échelle. Fred et Uta font par exemple le choix de planter des acacias, des oliviers et des arbres fruitier sur une même rangée plutôt que des rangées d’une seule espèce.

Ce choix à plusieurs objectifs : ces espèces ne consomment pas les mêmes nutriments présents dans le sol et ne rejettent pas les mêmes résidus. Les associer permet donc que chaque arbre trouve naturellement dans le sol ce dont il a besoin grâce à ses voisins et limite donc fortement le recours aux engrais chimiques. L’autre avantage est qu’à terme, cet écosystème fonctionne de façon autonome et demande donc moins d’entretien qu’un système agricole classique.

En résumé et dans l’idéal, la permaculture c’est beaucoup de travail au début afin de « lancer » les écosystèmes et moins de travail ensuite, une fois que les systèmes s’auto-entretiennent.

Dans leur différents systèmes, Fred et Uta cultivent des céréales (maïs), des légumes (carottes, tomates, ocras, concombres), des fruits (citrons, bananes, pastèques, melons, raisins, pommes, pêches, figues), des herbes aromatiques (basilique, persil, ciboulette), des olives, des piments…


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La ferme, l'éolienne, et les rangées d'acacias, de citronniers, de pêchers et de figuiers

Mais pour le moment, même après 6 ans de travail acharné, Fred et Uta en sont encore à la phase de lancement, et doivent redoubler d’efforts pour que leurs 47 hectares de plantations gagnent en productivité.


Actuellement, leur revenu lié à la ferme vient du marché local où ils vendent tous les samedi matin leurs productions. Alors certes, leurs dépenses quotidiennes sont réduites considérablement par la permaculture (80% de la nourriture est issue de l’exploitation, seuls quelques ingrédients et condiments viennent de l’extérieur), mais lancer une exploitation implique de lourdes dépenses d’équipement pour démarrer les cultures.


C’est pour cela que Fred et Uta s’imposent – et imposent aux volontaires - une discipline de fer dans leur travail. Fred le dit très bien « Le temps c’est de l’argent, donc ne perdons pas de temps ». C’est pourquoi ils travaillent dur, 70h par semaine, et nous demandent une efficacité maximale du lundi au vendredi, de 6h55 à 14h30. Contrairement au monde du travail classique, impossible de mentir dans le monde agricole : si tu ne travailles pas, ça ne pousse pas. Un belle présentation Powerpoint pourra cacher un manque de fond dans une réunion, une phrase bien placée le matin dans l’ascenseur pourra faire illusion au bureau, mais rien de tout ça dans la ferme où nous sommes (si tu lis cet article depuis le bureau au lieu de travailler, tu sais de quoi nous voulons parler !). Nos qualités de tchatcheurs développées en école de commerce ne nous sont ici d’aucune utilité.

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Jules pas si à l'aise que ça avec un seau d'eau

Au début, ce niveau d’exigence nous a fait peur : après plusieurs heures à genoux à arracher des mauvaise herbes à la main dans une rangées acacias / citronniers, ou à remplir mécaniquement des sceaux de fumier, nous nous sommes demandés ce que nous faisions là. Mais plus les jours passent et plus le travail nous semble agréable: nous sommes dans les champs, au soleil, souvent seuls, et concentrés sur quelques gestes répétitifs qui permettent au choix de se vider la tête ou de penser à un sujet précis.



Concrètement, que fait-on ? Nos tâches sont assez variées et nous sont données au fur et à mesure de la journée par Fred et Uta. Il s’agit beaucoup de s’occuper des plantations déjà existantes: arroser, entretenir, cueillir…

Nous avons par exemple passé 5 heures à couper des branches d’oliviers attaquées par des bactéries. Un travail facile, mais qui demande méthode et rigueur quand il s’agit d’une dizaine de rangées d’arbres qui s’étendent chacune sur près de 500 mètres. Nous avons aussi passé de nombreuses heures à suivre (ou conduire) un tracteur roulant à 1 kilomètre/heure, un tuyau à la main pour arroser les arbres fruitiers.

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Tristan concentré sur la taille d'un jeune olivier

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Jules conduit le tracteur ... pendant que Fred et Ian arrosent


Une autre grande partie de notre travail ne se passe pas dans les champs, mais dans la cuisine. « A quoi bon passer sa vie à produire de la nourriture si ce n’est pas pour bien manger ensuite ? » nous explique Uta. Chaque repas prend au moins 45 minutes à préparer, et tout le monde y met du sien. Mais nous rentrerons plus dans ces détails la semaine prochaine.


Cette organisation du temps est tout de même remarquable : après 5 heures dans les champs et 2h30 à préparer la nourriture et manger, il est 14h30 et nous sommes libres jusqu’à la fin de la journée.

Mais c’est aussi là qu’un nouveau défi commence. Que faire de tout ce temps, quand nous n’avons pas tous les divertissements mentionnés plus haut ?


Une idée qui revient dans nos discussions est celle de la domination de notre temps. Trop souvent, dans notre vie parisienne, nous avons le sentiment de subir, d’enchaîner les activités les unes après les autres sans les savourer, juste pour en faire plus. Et, dans les temps morts, comme pour se protéger de l’ennui, nous nous jetons sur nos Smartphones qui font défiler les minutes avec une vitesse inouïe.

Ici, nous voulons être maîtres de notre temps. Nous voulons vivre chacune de nos activités sans penser à la suivante. Nous voulons réussir à savourer les moments pleins et les moments vides, sans rien à faire.

Et nous sentons à quel point cela est parfois difficile.


Après la journée de travail, donc, nous nous asseyons et discutons calmement de ce que nous avons fait le matin dans les champs. Aux heures les plus chaudes de la journée, nous prenons beaucoup de temps pour lire et pour écrire. A l’ombre des pins, nous nous entraînons aussi avec Ole à traverser une « Slackline » (ligne de funambule tendue entre deux arbres). Et quand la chaleur retombe, nous partons souvent courir avec Ian une grosse heure jusqu’à la plage la plus proche. C'est l'occasion d'assister au coucher du soleil sur le Rio de la Plata, applaudi à chaque fois par tous les gens présents sur la plage.


Bref, nous avons le sentiment de vivre très simplement et avec légèreté.

A dimanche prochain pour de nouvelles aventures !


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En bonus, Jules et Palo, le mouton qui se balade dans la maison

 
 
 

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